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À PROPOS

Qui sommes-nous ?

BL évolution, société coopérative de conseil en transition écologique, apporte méthode et outils aux entreprises et territoires pour engager et renforcer leur transition écologique. Au contact des acteurs publics et privés, nous les conseillons sur leur adaptation face aux impacts climatiques et nous identifions la difficulté à percevoir l’ampleur du risque d’un monde à +2°C comme un risque majeur pouvant conduire à des mal-adaptations. Pour faire avancer le débat public sur ces sujets et éclairer les décideurs, BL évolution produit également du contenu de façon indépendante. 

Les auteur-ices

Alexandra Watier accompagne les territoires et les collectivités dans leurs politiques de transition écologique et de résilience, en concertation avec les habitants et les acteurs du territoire.

Baptiste Salmon est doctorant en aménagement du territoire à BL évolution et l’Université Paris-Saclay (laboratoire CEARC), spécialisé en adaptation aux changements climatiques, notamment sur la question des pertes matérielles et immatérielles.

Orléna Afkérios accompagne les territoires dans la compréhension de leur vulnérabilité face aux changements climatiques. Elle est diplômée du master ACC (Paris Saclay) et de formation scientifique (climatologie, océanographie), Sorbonne Sciences.

Nous remercions chaleureusement toutes les personnes qui ont contribué à la relecture des récits : les collègues de BL évolution, les personnes expertes que nous avons sollicitées, notre entourage… 

Pourquoi cette démarche ?

Le changement climatique est l’un des plus grands défis de ce siècle – et très probablement du prochain. Un consensus scientifique mondial se dégage : le temps presse. Si nous n’agissons pas rapidement, les conditions de vie sur Terre, pour les humains et pour l’ensemble du vivant, deviendront insoutenables.

Les activités humaines, telles que l’utilisation intensive des combustibles fossiles, le changement d’usage des sols (déforestation, urbanisation…) et l’industrialisation, ont entraîné une augmentation significative des émissions de gaz à effet-de-serre provoquant un réchauffement rapide de la planète. Ce réchauffement climatique a des conséquences profondes sur nos milieux de vie, notre économie, notre santé et nos sociétés dans leur ensemble, aggravant la pénurie sur les ressources et imposant un stress supplémentaire sur les systèmes socio-écologiques.

Ses effets sont déjà visibles dans le monde entier : feux de forêts, inondations de grande ampleur, tempêtes et ouragan, vagues de sécheresse et de chaleur, dégradation des terres et des forêts… Les conditions sont déjà insoutenables dans certaines régions du monde, plus exposées, pour certaines populations, plus précaires, pour certaines espèces, qui subissent déjà d’autres pressions et pollutions…

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La France n’est pas en reste : inondations, canicules, sécheresses, incendies… qui impactent gravement notre santé et nos activités : 7000 décès sont attribuables à la chaleur durant l’été 2022 dont 2000 durant les canicules ; le coût des sinistres climatiques en 2022 s’élève à 10 milliards d’euros ; le changement climatique pourrait faire perdre jusqu’à 10% du PIB de la France dans un monde à +2°C ; plus de la moitié de la récolte des fruits à noyaux a été perdue à cause des épisodes de gel tardif du printemps 2021.

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Atténuer le changement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet de serre est indispensable pour limiter l’aggravation des dérèglements déjà en cours, et éviter de dépasser certains seuils irréversibles. De façon complémentaire -et même conjointe- à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et à l’attention prise pour limiter l’érosion de la biodiversité, il est nécessaire d’adapter nos socio-systèmes à ces bouleversements qui vont se poursuivre et s’accroître. Il s’agit de limiter les conséquences sociales, sanitaires et environnementales du dérèglement climatique, en changeant nos organisations et nos modes de vie, en améliorant nos capacités face à l’incertain et aux extrêmes.

Pour cela, il est nécessaire de comprendre et de conscientiser les conséquences probables du dérèglement climatique engendré par notre modèle de développement. C’est dans cette optique que nous avons réalisé ce projet.

La mise en récit pour une lecture émotionnellement active allant au-delà de la vulgarisation

Malgré l’effort de plus en plus prononcé de la part d’organisations comme le GIEC ou Météo France, de nombreux scientifiques, de médias et d’un grand nombre de personnalités pour rendre accessible l’état des connaissances sur le changement climatique, le phénomène demeure un sujet d’experts qui peut parfois manquer de matérialité pour les personnes non initiées. On parle en pourcentages, en degrés, en parties par millions ; on parle de moyennes mondiales, de température en surface, de N₂O et de CH₄ ; et il y a beaucoup d’acronymes : GIEC, RCP, SSP, DRIAS… Nous avons choisi un détour par la fiction pour nous affranchir – temporairement – du vocabulaire technique et scientifique. 

La mise en récit a consisté à imaginer des personnages fictifs : Salma, Loïc, Charlie… qui vivent dans un monde où +2°C n’est plus un chiffre abstrait mais une réalité concrète, quotidienne. Le format narratif change d’un récit à l’autre. Parfois très descriptif, d’autre fois centré sur l’action, parfois à la première personne, d’autres fois à la troisième. Nous n’avons pas fixé de règle. 

Ce choix de la mise en récit et de l’usage de la fiction permet d’explorer des futurs possibles et donne à la personne qui lit la possibilité de se projeter émotionnellement, en lui faisant sentir et ressentir les effets concrets du changement climatique. 

Ce transport narratif – c’est-à-dire l’identification à un personnage – permet de renforcer la conscientisation d’un problème et le passage à l’action. Nous utilisons ces outils pour pallier l’un des freins à l’action qui est le manque de projection et de perception des risques auxquels nous sommes et serons exposés.

Imaginer un futur possible

Notre démarche est de mettre en récit des impacts d’un réchauffement mondial moyen de +2°C par rapport à l’ère préindustrielle. En fonction des scénarios climatiques et de l’action climatique mondiale, ce degré de réchauffement pourrait être atteint à divers horizons temporels plus ou moins proches, entre 2040 et la fin du siècle. Nous avons pris le parti d’une temporalité où nous atteignons +2°C aux alentours de 2050 (voir paragraphe Quand atteindrons-nous les +2°C ?).

La démarche scientifique s’est majoritairement concentrée sur l’analyse des impacts climatiques sur les ressources, les humains, la biodiversité… (voir Fonder nos histoires sur des bases scientifiques solides).

Nous avons donc dû faire le périlleux exercice d’imaginer un futur possible dans cet horizon temporel, afin de mettre en lumière le dérèglement du climat sur les situations et personnages susceptibles de vivre ces impacts. 

Nous avons effectué des choix, fondés sur l’état des connaissances, sur notre propre appréciation des évolutions sociétales possibles, et sur l’avis d’experts que nous avons sollicités (internes et externes à BL évolution). Nous avons donc imaginé des situations qui nous semblent concevables au regard de la situation actuelle. Ce ne sont pas forcément des situations que nous jugeons souhaitables, mais le but de ces récits n’est pas de dire à quoi devrait ressembler un monde à +2°C.

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Nous avons proposé aux lecteurs et lectrices une jauge de confiance, permettant de distinguer les éléments complètement fictifs de ceux issus de ressources scientifiques.

Nous n’avons pas souhaité indiquer des lieux précis, mais plutôt le type de région ou de paysage dans lequel se déroule l’histoire, car nous ne souhaitons pas déposséder des personnes de leur propre histoire et de leurs propres trajectoires de vie et d’adaptation. Libre à chacun et chacune d’imaginer le déroulement de ces nouvelles dans les lieux qui semblent le plus parlant.

Nous n’avons pas non plus souhaité dater précisément les récits, pour garder une approche scientifique dans la mesure où nous n’avons pas la capacité de dire précisément quand le seuil des +2°C sera passé au niveau mondial (voir Quand atteindrons-nous les +2°C ?) ni de dater précisément la survenue d’un événement extrême. Nous avons jugé que cela n’enlevait rien à la substance des récits.

Choisir des situations pour ouvrir des pages de vie dans un monde à +2°C

Notre travail n’a pas vocation à être exhaustif. Nous ne pouvons pas traiter l’ensemble des enjeux, des secteurs, des impacts. Nous ne pouvons qu’explorer un champ des possibles en s’appuyant sur les meilleures connaissances dont nous disposons actuellement.  

Choisir les secteurs et les territoires explorés dans nos récits n’a pas été aisé. Nous avons décidé de les sélectionner en fonction d’une multitude de facteurs : les données disponibles, des secteurs ou territoires variés entre les récits, des activités très touchées par le changement climatique, mais aussi notre propre affinité avec les différents sujets. À noter que des récits supplémentaires pourraient voir le jour à l’avenir.

Dans chaque récit, nous abordons un secteur principal, sur un type de territoire spécifique, mais nous intégrons aussi plusieurs autres secteurs socioéconomiques et socioécologiques. Ainsi, un récit qui traite principalement de la santé aborde aussi des questions d’urbanisme, et un récit sur le tourisme hivernal la question de la gestion de l’eau.

Nous avons parfois dû faire des choix, en essayant de ne pas tomber dans la caricature. Par exemple, imaginer une agriculture qui s’appuie en partie sur la technologie et en partie sur des mesures agroécologiques ; imaginer des villes qui souffrent en période de canicule, mais qui ont aussi mis en place des mesures de rafraîchissement. Nous ne proposons aucune solution claire, définitive, ni de vision idéale d’avenir. Nous nous projetons dans un futur possible, et observons les impacts d’un réchauffement de +2°C sur ce futur-là.

Fonder nos histoires sur des bases scientifiques solides

Nous nous sommes appuyés sur une multitude de sources scientifiques et techniques, à commencer par les rapports du GIEC (et les articles qu’ils citent), les articles scientifiques récents, les travaux des Groupes d’Experts Régionaux pour le Climat (GREC), DRIAS, Météo France, Climate Central ; sur les travaux et publications d’agences internationales, nationales et régionales spécialisées comme la NASA, NOAA, Copernicus, l’IPBES, Santé Publique France, l’ADEME, le Haut Conseil pour le Climat, les Agence Régionales de Santé, les données préfectorales, l’Office Français pour la Biodiversité, l’Office National des Forêts ; les publications et synthèses réalisées par des experts comme Carbone 4, I4CE, BL évolution… ; et sur tout rapport spécialisé sur un secteur ou un territoire s’avérant pertinent pour la rédaction (par exemple, les projections d’enneigement de certaines stations) ; ainsi que sur des publications que nous jugeons solides, de vulgarisateurs et vulgarisatrices comme Juliette Nouel, Bon Pote, Emma Haziza, Serge Zaka, Loïc Giaccone et tant d’autres.

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Une fois ce futur possible imaginé, notre démarche a consisté à identifier les impacts du dérèglement climatique sur cette situation : les personnages, leur métier, leur habitat, leur paysage, leurs souvenirs, leurs valeurs… Pour explorer l’ampleur des impacts d’un monde à +2°C, nous avons opté pour l’analyse d’un scénario climatique intermédiaire, qui correspond plutôt à la trajectoire actuelle, et donc privilégié les articles, rapports, et jeux de données en suivant les scénarios RCP4.5 ou SSP2-4.5. Nous avons également intégré des sources fiables portant sur un monde à +2°C, même si elles ne mentionnaient pas explicitement RCP4.5 ou SSP2-4.5. L’ensemble des sources sont intégrées aux récits, sous forme de pop-up.

Malgré tout, les trajectoires climatiques présentent des incertitudes, et nous avons donc effectué des arbitrages fondés sur notre appréciation des trajectoires climatiques futures et les avis d’experts sollicités.

Nous avons proposé aux lecteurs et lectrices une jauge de confiance, en nous inspirant de celle du GIEC (toutes proportions gardées !) permettant de détailler le niveau de fiabilité des informations issues des ressources scientifiques.

 

L’ensemble des sources est intégré aux récits sous forme de pop-ups et récapitulé dans notre bibliographie.

Qu’entend-on par “+2°C” ? Où et par rapport à quoi ?

On parle ici d’une élévation de la température moyenne mondiale en surface de +2°C par rapport à l’ère préindustrielle :

  1. La température moyenne mondiale en surface : la température moyenne de l’air à la surface de notre planète (1,5m-2m de hauteur par rapport au sol) et lissée en général sur une décennie.
  2. L’ère préindustrielle : les rapports du GIEC utilisent principalement la période 1850-1900 comme période de référence, une époque où nos activités n’émettaient pas encore assez de gaz à effet-de-serre pour modifier le régime climatique.

Nous parlons bien de +2°C à l’échelle mondiale, et non pas en France. Ce n’est pas la même chose : +2° de réchauffement, ça donne quoi en France ?

+2°C, un seuil à ne pas dépasser plutôt qu’un objectif

À force d’entendre parler de l’Accord de Paris qui a défini un objectif international, nous craignons que les « +2°C » soient perçus comme un degré de réchauffement « acceptable », et c’est un des moteurs de notre démarche. Revenons sur l’origine de ce chiffre :

L’augmentation de la température moyenne mondiale de +2°C a été évoquée pour la première fois en 1975 par l’économiste William Nordhaus. Dans un article datant de 1977, il suggère que sur les 100 000 dernières années, la température moyenne mondiale n’a jamais dépassé les +2°C par rapport à la normale, et que nous entrerions donc dans un monde inconnu gouverné par un régime climatique auquel l’Humanité n’a jamais été confrontée.

La limite des +2°C a été par la suite portée par des organisations internationales et soulevée au cours de négociations, notamment au cours de la COP15 (2009, Copenhague).

Elle est également utilisée comme point de référence dans les rapports du GIEC, notamment dans le cinquième rapport (AR5) publié en 2014, aux côtés des +1,5°C. L’année suivante, en 2015, les pays signataires de l’accord de Paris s’engagent à limiter le réchauffement climatique à +2°C, et si possible à +1,5°C.

Nordhaus (1977) : “If there were global temperatures more that 2°C or 3°C above the current average temperature, this would take the climate outside of the range of observations which have been made over the last several hundred thousands years” p.39-40. 

Nordhaus W. (1977), “Strategies for the control of Carbon Dioxide”, lien ici

Carbon Brief (2014), “Two degrees: The history of climate change’s speed limit”, lien ici 

Voir les travaux de William Nordhaus sur Google Scholar

Considérer que le réchauffement climatique va continuer de s’accroître n’est pas pessimiste, mais réaliste

Les scientifiques nous alertent depuis plusieurs décennies : le climat se réchauffe et l’ensemble de la machine climatique se dérègle. Les rapports du GIEC se succèdent, et il est désormais absolument certain que les activités humaines, qui émettent massivement des gaz à effet-de-serre (GES), contribuent au réchauffement climatique. 

Sur la période 2011-2020, l’augmentation de la température moyenne mondiale par rapport à l’ère préindustrielle est estimée à +1,09°C. Pour l’année 2020, le réchauffement est estimé à +1,2°C (±0,1°C).

L’année 2023 pourrait devenir la plus chaude jamais observée ; avec un mois de septembre déjà record (+1,75°C par rapport à la moyenne des mois de septembre 1850-1900). 

Le réchauffement continuera de s’accroître tant que nous continuerons à émettre des gaz à effet de serre, du fait de l’inertie climatique (durée de vie des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, temps de réponse des composantes du système climatique), des trajectoires actuelles : concentration en GES toujours en hausse, et de l’inertie sociétale. Il est donc nécessaire d’envisager un niveau de réchauffement global de +2°C.

Il est crucial de rappeler que le dérèglement climatique n’est pas un problème binaire (résolu / non résolu) mais exponentiel. Envisager un niveau de réchauffement global de +2°C est aujourd’hui essentiel, mais il ne signifie pas que l’on baisse les bras pour limiter les dégâts. Chaque dixième de degré compte et l’ensemble de nos stratégies climat doivent concourir à la réduction drastique de nos émissions de gaz à effet de serre et à notre impact sur les ressources, tout en s’adaptant aux aléas climatiques.

Chaque dixième de degré compte

Chaque dixième de degré supplémentaire accroît les risques pour le vivant, les ressources et donc l’ensemble des humains et nos sociétés. Il serait préférable de limiter le réchauffement climatique à +1,2°C plutôt qu’à +1,3°C. +2°C ne doit donc pas apparaître comme un objectif vertueux : si l’humanité parvient à limiter l’élévation de la température moyenne mondiale à +2°C, ce sera à la fois une réussite – car mieux vaut +2°C que +4°C – et un échec pour l’ensemble des pertes humaines et non humaines induites.

Le rapport spécial 1.5°C du GIEC (2018) énumère les différences entre un monde à +2°C et un monde à +1,5°C. Quelques exemples : 

  • +420 millions de personnes exposées à des vagues de chaleur extrêmes
  • Dix fois plus de chance d’observer une fonte totale de la banquise Arctique en septembre
  • Entre deux et trois fois plus d’espèces perdant plus de 50% de leur aire de répartition

A l’échelle globale, au-delà du seuil de +1,5°C, plusieurs points de bascule climatiques pourraient être atteints, au-delà desquels certains phénomènes ne peuvent être arrêtés. Leur probabilité d’occurrence sera d’autant plus forte que nous nous rapprocheront des +2°C. Quelques exemples : 

  • Perte brutale de la banquise sur la mer de Barent
  • Effondrement de la calotte glaciaire du Groenland
  • Effondrement de la calotte glaciaire de l’Antarctique Ouest
  • Fonte brutale du permafrost boréal
  • Mort massive de coraux dans les eaux équatoriales.

A partir de +2°C, certains “risques clefs” pourraient se produire en Europe avec des conséquences particulièrement importantes : 

  • Hausse de la mortalité et de la morbidité des personnes, ainsi que des disruptions d’écosystèmes, en raison de vagues de chaleur extrême
  • Augmentation des pertes agricoles significatives en raison du croisement entre vagues de chaleur et sécheresses
  • Multiplication de pénuries d’eau tous secteurs confondus
  • Dégâts croissants provoqués par les inondations sur les personnes, les infrastructures, et les économies.

Il faut enfin rappeler que l’occurrence de phénomènes météorologiques particulièrement extrêmes et records sera d’autant plus importante que l’élévation du niveau des températures sera rapide. Il ne sera donc jamais « trop tard » pour agir dans la mesure où ce sera toujours « moins pire », mais plus nous réduisons nos émissions de gaz à effet de serre rapidement, moins il y aura de pertes humaines et non humaines.

 

Quand atteindrons-nous les +2°C ?

Il est très probable que le réchauffement climatique persiste à court et moyen terme en raison de la poursuite de nos émissions de gaz à effet-de-serre, avec des niveaux atteignant de nouveaux records : les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone (CO2) ont atteint 417 parties par million (ppm) en 2023, une valeur sans précédent depuis plus de 2 millions d’années.

 

Il est impossible de donner une date précise et certaine à laquelle la limite des +2°C sera dépassée. En revanche, en nous appuyant sur le dernier rapport du GIEC, il est possible d’établir un horizon temporel avec une probabilité assez importante.

Le GIEC établit des scénarios de réchauffement qui reposent sur des modélisations du système climatique, couplées à des scénarios socio-économiques (émissions de gaz à effet de serre (GES), changement d’usage des sols, évolution des puits de carbone etc.).  Dans le 6e rapport, il s’agit des 5 Shared Socio-Economic Pathways :

  • SSP1 : Durabilité – Prendre la route verte, lié aux scénarios SSP1-1.9 et 2.6  
  • SSP2 : L’entre deux, lié au SSP2-4.5 (scénario intermédiaire) 
  • SSP3 : Rivalités régionales – Un chemin rocailleux, lié au SSP3-7.0
  • SSP4 : Inégalités – Des chemins divisés, lié aux SSP4-3.4 et SSP4-6.0
  • SSP5 : Développement des énergies fossiles – Prendre l’autoroute, lié au SSP5-8.5

À l’exception des scénarios les plus optimistes (1.9 et 2.6) dont nous nous éloignons petit à petit, et qui nous paraissent de moins en moins probables, l’ensemble des scénarios nous conduisent à un réchauffement d’au moins +2°C à moyen terme (2040-2060). 

Sur la période 2011-2020, l’augmentation de la température moyenne mondiale par rapport à l’ère préindustrielle est estimée à +1,09°C. Pour l’année 2020, le réchauffement est estimé à +1,2°C (±0,1°C).

L’année 2023 pourrait devenir la plus chaude jamais observée ; avec un mois de septembre déjà record (+1,75°C par rapport à la moyenne des mois de septembre 1850-1900). 

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Le réchauffement continuera de s’accroître tant que nous continuerons à émettre des gaz à effet de serre, du fait de l’inertie climatique (durée de vie des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, temps de réponse des composantes du système climatique), des trajectoires actuelles : concentration en GES toujours en hausse, et de l’inertie sociétale. Il est donc nécessaire d’envisager un niveau de réchauffement global de +2°C.

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Il est crucial de rappeler que le dérèglement climatique n’est pas un problème binaire (résolu / non résolu) mais exponentiel. Envisager un niveau de réchauffement global de +2°C est aujourd’hui essentiel, mais il ne signifie pas que l’on baisse les bras pour limiter les dégâts. Chaque dixième de degré compte et l’ensemble de nos stratégies climat doivent concourir à la réduction drastique de nos émissions de gaz à effet de serre et à notre impact sur les ressources, tout en s’adaptant aux aléas climatiques.

Tableau issu du dernier rapport du GIEC, AR6, 2021. Il représente l’évolution des températures moyennes selon les différents scénarios et l’échelle temporelle.

+2°C en moyenne mondiale, de grandes disparités locales

Les variations locales et régionales du climat et du réchauffement sont influencées par de nombreux facteurs géographiques, atmosphériques, océaniques et géologiques. Les différentes régions du globe connaissent donc des changements climatiques à des rythmes et des intensités différents. Les continents ont par exemple tendance à se réchauffer plus rapidement que les océans en raison d’un phénomène d’amplification continentale (la capacité thermique des océans est plus élevée : ils peuvent stocker une plus grande quantité de chaleur par unité de masse que les surfaces continentales). Il existe également d’autres facteurs comme l’existence de boucles de rétroactions positives climatiques, la distribution géographique des émissions, et le comportement de la circulation atmosphérique.) ; tout comme l’Arctique dont le réchauffement est plus rapide que le reste du monde.

Carte issue de l’atlas du GIEC (AR6, 2021), suivant le scénario SSP2-4.5 à horizon 2040-2060, soit une élévation moyenne de la température de l’ordre de +2°C. On voit bien ici les écarts en fonction de trois points : le centre de la France, le nord de la Nouvelle-Zélande, et l’est du Groenland. L’Arctique se réchauffe beaucoup plus vite que le reste du monde. 


Au-delà du réchauffement de la température moyenne, les effets du changement climatique sont multiples : vagues de chaleur, élévation du niveau de la mer, augmentation des précipitations par endroit et diminution dans d’autres… Ces multiples facettes d’un monde à +2°C sont illustrées dans nos récits et nous vous donnons un aperçu pour la France dans ce paragraphe .

Des modèles climatiques sous-estimés ?

Les observations actuelles révèlent des valeurs climatiques extrêmes qui surpassent déjà les projections des modèles climatiques futurs. Quand on parle de valeur climatique extrême, on désigne une mesure météorologique qui dépasse de manière significative les normes habituelles, englobant des événements tels que des canicules, des tempêtes violentes ou des précipitations intenses, avec des impacts notables sur l’environnement et la société. Et c’est ce qu’on peut observer aujourd’hui, par exemple, des régions comme l’Europe et l’Amérique du Nord ont connu des phénomènes de fortes précipitations dont l’intensité dépasse ce qui était anticipé par les modèles climatiques. Autre exemple parlant, c’est lorsqu’en 2014, le bulletin Météo fiction d’Evelyne Dhéliat présentait des records de températures avoisinant les 40°C en France, pour 2050, mais que ces records soient observés, avec plus de trente ans d’avance, le 28 juin 2019.

+2°C, une moyenne qui cache des extrêmes complexes à modéliser

Les impacts d’un monde à +2°C tel que les incendies majeurs, les inondations et les sécheresses prolongées… ne sont pas seulement déterminés par les tendances globales, mais aussi par des facteurs locaux, tels que la topographie, l’utilisation des terres, et les caractéristiques locales du climat. Par exemple, la survenue d’une inondation par débordement des cours d’eau dépend non seulement des précipitations plus intenses, prévues par les modèles climatiques futurs, mais aussi de l’urbanisation ou de la capacité des systèmes de drainage. Ces éléments rendent la modélisation précise de ces événements extrêmes difficile, nécessitant une prise en compte détaillée des caractéristiques locales pour anticiper et atténuer les impacts potentiels. Les inondations des vallées de la Roya et Vésubie, en octobre 2020 suite à la tempête Alex, ou encore les épisodes « cévenols », sont des exemples d’inondations rapides, soudaines et imprévisibles.

Des influences externes peuvent amplifier les impacts des changements climatiques. Ces phénomènes naturels introduisent des variables externes qui peuvent renforcer les tendances déjà observées. Un exemple concret est fourni par le phénomène El Niño. Lorsque le phénomène se produit, il perturbe les schémas météorologiques normaux à l’échelle mondiale, entraînant des changements significatifs dans les températures de surface de la mer et les modèles atmosphériques. Cela peut entraîner des phénomènes météorologiques extrêmes tels que des tempêtes plus fréquentes, des sécheresses prolongées ou des inondations accrues dans certaines régions du globe. Ainsi, El Niño agit comme un catalyseur qui amplifie les tendances climatiques existantes, ajoutant une couche de complexité aux impacts attendus du changement climatique.

Compte tenu de la complexité du climat et des imprévus possibles, il est crucial d’envisager des impacts au-delà des limites des modèles climatiques existants. Les scientifiques reconnaissent la nécessité d’une prudence accrue dans leurs évaluations.

Un réchauffement mondial de +2°C en France, ça donnerait quoi ?

Nous en avons illustré quelques exemples dans nos récits ; nous vous en proposons une vision d’ensemble ici.

 

Un réchauffement rapide

Loin d’être épargné par le réchauffement climatique, l’Europe est le continent qui se réchauffe le plus vite, avec des températures moyennes annuelles qui augmentent plus rapidement que la moyenne mondiale. 

La France métropolitaine se réchauffe également plus vite (+1,66°C) que le reste du globe (+1,19°C). 

Un réchauffement moyen mondial de +2°C représenterait en réalité +2,7°C en France métropolitaine.

À +2°C de réchauffement, une année extrême en 2022 correspondra à une année moyenne en 2055.

 

Vagues de chaleur et santé

L’augmentation de la fréquence des canicules et des vagues de chaleur, que nous observons depuis quelques années, est attribuable au changement climatique.  Les vagues de chaleur observées en Europe durant les étés 2022 et 2023 auraient été bien moins probables sans réchauffement mondial. Au cours de l’été 2022, en France métropolitaine, 7000 décès sont attribuables à la chaleur ; 2000 se sont produits durant des canicules.

Dans un monde à +2°C, les vagues de chaleur seront plus fréquentes, plus intenses. Une canicule aussi mortelle que celle de 2003 se produira en moyenne tous les 3 à 5 ans. Une vague de chaleur extrême qui se serait produite une fois tous les 500 ans en 2000, se produira en moyenne 14 fois par siècle.

 

Quelle journée pourrait vivre Salma, médecin urgentiste ? Découvrez-le dans « Le Calme après la tempête »

 

Agriculture et alimentation

Le secteur agricole est déjà et sera encore parmi les plus touchés : les floraisons précoces et les gelées tardives exposent les productions, notamment fruitières, et sont en partie attribuables au changement climatique, comme l’épisode de gel tardif du printemps 2021 qui a occasionné d’importantes pertes agricoles : 62% de perte de rendement sur les cerise par rapport à la moyenne 2016-2020 ; sans changement climatique, cet épisode de gel aurait eu 50% de chances de moins de se produire. De même, la sécheresse météorologique, hydrologique et agricole de 2022 a été exacerbée par le changement climatique. En région PACA, la production d’herbe a accusé un déficit de 45% en 2022 par rapport à la production de référence.

Dans un monde à +2°C, la hausse de l’intensité des phénomènes extrêmes accroîtra les risques de pertes agricoles importantes. Un épisode de gel tardif dévastateur comme celui d’avril 2021 aura 30% de chance de plus de se produire.  Nous ferons également face à des changements profonds, comme le déplacement des zones agro-climatiques de 25 à 135 km par décennies vers le nord. Bientôt des lavandes dans les Hauts-de-France ?

 

Comment fera Tino face à ces variabilités exacerbées et ces extrêmes plus longs ? Journal agricole dans « Les larmes sèches ».

 

Montagne

En montagne, la diminution de l’enneigement menace les stations de sports d’hiver situées à une altitude moyenne. Pour chaque degré supplémentaire, la limite-pluie neige augmente de 150 à 200 mètres. La diminution de l’enneigement menace les stations de sports d’hiver situées à une altitude moyenne.

Dans un monde à +2°C, sans neige de culture, les stations d’activités hivernales qui se situent à une altitude trop basse ne seront plus viables ; celles qui miseront essentiellement sur cette solution feront face à des difficultés en matière de coût de l’énergie et d’utilisation de la ressource en eau.  En montagne, les paysages et la nature continueront de changer, avec une remontée en altitude et en latitude de la flore et de la faune.

 

Dans « Ça sent le sapin », les grands-parents de Charlie se souviennent avec nostalgie des années fastes.

 

Territoires côtiers et ultra marins

De nombreuses villes côtières sont exposées à l’élévation du niveau de la mer et à des phénomènes d’érosion et de tempêtes, et s’interrogent sur la relocalisation de certains quartiers voire de villages entiers (voir les retours d’expérience de Lacanau et Miquelon). Les îles d’outre-mer entourées de récifs coralliens sont particulièrement affectées par l’élévation du niveau de la mer et la hauteur des vagues.

Dans un monde à +2°C, l’élévation moyenne globale du niveau de la mer sera probablement autour de 20 cm d’ici 2050, mais la majorité des territoires côtiers connaîtront une hausse supérieure – de l’ordre de 40 cm. Cette élévation est déjà plus rapide dans le Pacifique que dans le reste du monde et est accompagnée d’une intensification des cyclones (Pacifique Sud). Dans un monde à +2°C, 99% des récifs coralliens seront perdus.

 

Dans « Danse avec les vagues », Soan vient en Polynésie Française pour aider ses grands-parents à déménager face à la montée du niveau de la mer.

 

Impacts sur les écosystèmes, la biodiversité, les paysages

Le changement climatique met la faune et la flore sous pression, et modifie les aires de répartition. A l’échelle globale, des études portant sur des centaines d’espèces ont démontré que les changements dans l’abondance d’une population étaient fortement liés aux variations de température. Des extinctions d’espèces sont observées lorsque celles-ci se situent déjà aux limites de leurs niches biologiques. En France, des espèces envahissantes prolifèrent, favorisées par le réchauffement climatique, comme la chenille processionnaire ou le moustique tigre.

Dans un monde à +2°C, bon nombre d’espèces ne seront pas capables de se déplacer assez vite pour faire face au changement et seront durement impactées comme le triton marbré ; ou disparaîtront de certains territoires, comme le papillon Apollon en Haute-Provence. Par ailleurs, zones très exposées au changement climatique à l’image du pourtour méditerranéen subiront davantage d’incendies provoqués par la chaleur (+42% d’ici la fin du siècle en suivant un scénario RCP4.5) mettant à mal nos forêts. 

 

Dans « le streamer et le papillon », la Provence de Pagnol et son “désert de garrigues” grignote celle de Giono et des contreforts alpins.

 

Transport et réseaux

Le changement climatique et la variabilité naturelle du climat impactent déjà les réseaux européens d’énergie et de transport. Les vagues de chaleur records, les tempêtes, et les précipitations extrêmes, mettent les réseaux à rude épreuve, provoquant par exemple coupures d’alimentation, inondations, chutes d’arbres sur les voies, déformation des routes, dilatation thermique des rails ferroviaires – et avec ces aléas, le ralentissement voire l’interruption du trafic. Le Haut Conseil pour le Climat observe que le nombre de travaux imprévus et urgents sur les réseaux augmente. Une tempête comme Alex (2020) a par exemple occasionné 720 millions d’euros de dépenses publiques pour réparer les réseaux dans les Alpes-Maritimes. Dans un monde où la fréquence des épisodes extrêmes s’accroît, notre façon de nous déplacer est déjà affectée.

En Europe, à +2°C, les extrêmes climatiques rendront nos déplacements plus complexes et chaotiques : augmentation des risques de glissement de terrains, inondations des lignes ferroviaires, mer Méditerranée plus agitée rendant les opérations portuaires plus difficiles… Les extrêmes de chaleur occasionneront des coûts supplémentaires pour l’opération et la maintenance des routes et lignes ferroviaires : 1,3 milliards d’euros par an à l’échelle de l’Europe (+1,5%). Les infrastructures telles que les réseaux électriques seront davantage affectées en été, entraînant de possibles coupures de courant.

 

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Des vulnérabilités et des adaptations propres à chaque contexte

Au-delà des disparités géographiques et des extrêmes climatiques qui se cachent derrière ce « petit chiffre » de +2°C, il faut rappeler que des facteurs non climatiques sont aussi au cœur de la vulnérabilité, d’une personne, d’un territoire, d’une entreprise. Pour une canicule de même intensité, les conséquences seront différentes selon l’accès à des espaces de fraîcheur, le taux d’îlots de chaleur, la qualité thermique du logement, l’âge d’une personne… D’où l’importance de stratégies d’adaptation spécifiques au contexte.

La perception aux changements climatiques qu’a la population locale et sa mémoire du risque sont également déterminantes sur la définition des actions d’adaptation. Des études ont notamment mis en évidence une forme d’« amnésie collective, productrice de vulnérabilités » qui a aggravé la vulnérabilité du littoral français au risque maritime.

De plus, pour un même aléa, tel que l’élévation du niveau des mers, les stratégies d’adaptation peuvent être différentes : construire une digue, laisser l’eau monter et adapter les activités existantes, ou encore déplacer complètement les populations. Ces possibilités doivent être étudiées pour maximiser les cobénéfices sociaux et environnementaux, dans un double contexte d’urgence de l’action et de justice sociale. Par exemple, aménager des îlots de fraicheur dans des quartiers précaires en priorité, pour limiter les impacts sanitaires d’une canicule pour une population n’ayant pas accès à d’autres espaces, et pour développer la biodiversité. Un autre exemple est le redéveloppement des haies agricoles, qui vont favoriser la rétention d’eau dans les sols, permettent aussi de capter du carbone, proposent de nouveaux habitats pour la biodiversité et dont la taille peut être valorisée en chaleur.

Accepter les incertitudes et revoir nos modes d’organisation

Les modélisations futures comportent aussi des incertitudes dues aux interactions climatiques. Par exemple pour la fonte des glaciers : alors que les modèles climatiques peuvent indiquer une tendance générale à la fonte due au réchauffement climatique, des incertitudes subsistent quant à la rapidité et à l’ampleur de cette fonte. Des événements imprévus, tels que la survenue soudaine de températures extrêmes ou les changements dans la circulation atmosphérique, peuvent influencer de manière significative le rythme auquel les glaciers fondent, introduisant ainsi des incertitudes dans les projections précises de l’impact sur le niveau de la mer et les ressources en eau douce. Mais comme le souligne un article de C. Kergomard (« Changement climatique : certitudes, incertitudes et controverses », 2012), « les incertitudes à propos du climat futur résident bien plus sur les choix économiques, sociaux et politiques que nécessite l’atténuation d’un phénomène avéré, que dans les incertitudes de la science du climat ».

Face aux incertitudes, les stratégies d’adaptation se doivent d’être flexibles et adaptatives, pour à tout prix éviter la maladaptation : une adaptation sous-dimensionnée et non adaptée au climat futur, ou une adaptation qui renforce les inégalités, les pressions sur la biodiversité, les ressources comme l’eau, ou encore les émissions de gaz à effet de serre. Les impacts du dérèglement climatique que nous subissons et subirons doivent permettre à nos modes d’organisation non durables de se réinventer pour être plus résilients et s’inscrire dans le respect des limites planétaires. Ces récits doivent nous amener à nous interroger sur les futurs que nous souhaitons.